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Passionné d'aventures en montagne depuis mon plus jeune âge, je vous propose de découvrir ce site internet dédié à mes périples en altitude. Vous y trouverez les récits, photos, et vidéos de toutes les ascensions que j'ai réalisées à ce jour dans le monde entier.

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OJOS DEL SALADO (6893 m) - Versant nord
Février 2020 - Atacama, Chili

Le Nevado Ojos del Salado est un volcan qui s'élève dans la cordillère des Andes, sur la frontière entre le Chili (province de Copiapó) et l'Argentine (province de Catamarca). Il est situé dans le sud du désert d'Atacama, ce qui lui confère un climat aride et, malgré ses 6893 mètres d'altitude, il est rarement recouvert de neige. Il constitue le point culminant du Chili et le deuxième plus haut sommet d'Amérique après l'Aconcagua. En outre, son statut de plus haut volcan du monde le met en tête de la liste des "sept sommets volcaniques". Bien que sa dernière éruption ne soit pas connue avec précision, il est considéré comme actif. Sa caldeira, largement ouverte, renferme le plus haut lac du monde.

La montagne a été gravie pour la première fois en 1937 par une expédition polonaise. La période de l'année la plus favorable pour réussir cette ascension est l'été austral, de novembre à mars. La montée s'effectue généralement par le versant chilien via deux camps, le refuge Atacama à 5200 mètres et le refuge Tejos à 5800 mètres, qui peuvent être reliés par véhicule motorisé. Le sentier qui mène au sommet, bien que raide et parfois enneigé, ne présente aucune difficulté technique. Toutefois les dangers lors de cette expédition sont multiples : isolement, mal aigu des montagnes, déshydratation, vents violents, froid intense, terrain volcanique instable, etc.

17 février, aéroport de Copiapó, au nord du Chili. L'avion vient de se poser au milieu de nulle part, sur une piste isolée en plein désert d'Atacama. A la sortie de l'appareil je suis ébloui par la luminosité et surpris par la nudité du paysage. Pas un arbre, pas une maison, rien. A première vue il n'y a pas grand chose à faire dans le coin. La région n'est pas réputée pour le tourisme mais principalement pour son activité minière, le sous-sol étant riche en cuivre et en or. C'est d'ailleurs ici qu'en 2010, 33 mineurs étaient restés bloqués sous terre pendant 2 mois, leur sauvetage faisant la une de l'actualité.

Au volant de mon 4x4, un rutilant pick-up de location, je commence par faire un rapide détour à Caldera, une jolie cité portuaire bordant le Pacifique. Ensuite je rejoins Copiapó, la grande agglomération du secteur. Je visite un peu la ville puis je fais les provisions. Des vivres pour tenir 15 jours, sans oublier quelques "détails" qui peuvent s'avérer salvateurs : 50 litres d'eau, du gaz, un bidon d'essence supplémentaire...

Enfin je me lance sur la fameuse "Route 31". Longue de près de 300 kilomètres, celle-ci prend doucement de l'altitude à travers les reliefs désertiques. Je trace ma route, découvrant les ruines de Puquios, franchissant le Portezuelo Codocedo, puis redescendant près du Salar de Maricunga. Près de cette grande plaine salée se trouve la Laguna Santa Rosa, un paradis bleu azur où se promènent les flamants roses, sur fond de volcans enneigés. Fascinant !
Jour 1 : Le désert d'Atacama
Récit de l'expédition
Galerie photos

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Vent et poussière à la Laguna Verde
Durant ce long trajet il n'y a pas trace de vie, excepté de rares bergeries ainsi que le poste de douane où quelques militaires tentent de combattre l'ennui. Je leur présente mon "Difrol", l'autorisation obtenue des autorités chiliennes pour réaliser mon expédition.

Encore un peu plus loin je fais une halte près du Río Lomas, qui s'écoule au pied du Nevado Tres Cruces, sixième plus haut sommet des Andes avec ses 6749 mètres. Les kilomètres s'enchaînent et je monte toujours, jusqu'à atteindre la rive de la splendide Laguna Verde. Le décor est sensationnel : autour de cette étendue salée s'élèvent de nombreux volcans, des "6000" brûlants, pelés par le soleil et le vent. Je m'installe dans une petite cabane près de laquelle se trouvent des sources chaudes, et je profite de la fin de journée pour mieux savourer ce paysage hors du commun. Quelle entrée en matière, j'en ai pris plein les yeux !
Jours 2 et 3 : Acclimatation au San Francisco (6018 m)
Passer sa première nuit à 4300 mètres d'altitude n'est pas une bonne idée. Je me réveille groggy à cause d'un sommeil perturbé par le manque d'oxygène. Dans l'après-midi je trouve tout de même l'énergie pour randonner un peu plus haut, sur les pentes du Cerro Mulas Muertas. Je m'arrête à 5000 mètres, pour une sieste de 2 heures. Carte topographique en main, je mets un nom et une altitude sur tous les sommets visibles. Plusieurs d'entre eux semblent faciles d'accès, mais c'est vite oublier les lois de la haute altitude, les vents violents qui soufflent ici, et les distances trompeuses. Et puis mon premier objectif est déjà fixé : demain j'irai me frotter au volcan San Francisco. C'est l'ascension parfaite pour s'acclimater.

Le lendemain, à peine plus en forme, je commence par effectuer 25km en voiture pour rejoindre le paso San Francisco, le large col frontière entre Chili et Argentine qui s'ouvre à 4757 mètres. Je me gare près de petits monuments célébrant l'amitié entre les deux pays. Alors que je prépare mon sac, un homme sort d'un abri et vient à ma rencontre. Je fais la rencontre de Jos, un Hollandais d'une cinquantaine d'années qui a passé la nuit ici. En vadrouille dans la région, il vise également l'ascension du volcan. Nous décidons donc de joindre nos forces aujourd'hui et partons au sud vers le grand amas de caillasse qui nous domine.
Sommet du San Francisco
L'ascension n'a rien de sexy. Elle se résume à gravir de larges flancs rocailleux pendant plusieurs heures. A 5300 mètres la pente se redresse. Dans l'interminable diagonale qui suit nous commençons à sentir les effets de l'altitude. Nous essayons de garder l'élan initial mais nos corps s'y refusent, et inexorablement notre rythme ralentit. Le sommet est encore loin mais malgré cela nous restons plein d'optimisme. Je donne le pas et nous nous élevons lentement mais sûrement. 5600 mètres, 5700 mètres... Alors que nous traversons un replat le sommet se dessine, nous injectant le regain de motivation qui va bien. Notre cerveau nous dicte d'accélérer, mais l'organisme ne le voit pas ainsi. Soyons patients.

Le final est un long tourment : vidés de nos forces, nous faisons péniblement une dizaine de pas, pour à chaque fois s'arrêter et reprendre notre souffle, lamentablement appuyés sur nos bâtons. Diable que c'est dur ! Dans ma tête je fais des multiplications complexes, pour m'assurer que je suis encore lucide. Je m'en sors honorablement. Alors je continue. De toute manière, entêté que je suis, je refuse d'abandonner si près du but. Comment une montagne à l'apparence débonnaire pourrait-elle venir à bout d'un bipède si motivé, aussi petit soit-il ?
Vient la délivrance. Nous atteignons le large sommet du volcan San Francisco (6018 m). Un réel bonheur ! La vue est superbe sur la dizaine de "6000" voisins, en particulier sur le Nevado Incahuasi tout proche, qui doit compter parmi les plus hautes cimes des Andes. Nous laissons un message sur le carnet sommital puis nous choisissons de redescendre sans tarder, impatients de respirer une dose vitale d'oxygène !

Deux heures suffisent pour revenir au col. C'est l'avantage des volcans : le terrain dégagé et poussiéreux permet d'en descendre très vite. Je salue mon compagnon qui repart versant argentin. De mon côté je reprends mon pick-up pour me rendre au refuge Murray, un grand bâtiment depuis lequel je peux admirer le principal objectif de mon expédition, l'Ojos del Salado situé 30km plus au sud. Seul au refuge, je jouis d'un confort appréciable. Mais je suis épuisé. Allongé depuis plusieurs heures, je sens encore mon cœur battre la chamade, avec la désagréable sensation d'avoir tout juste terminé un sprint. Vraiment, l'ascension fut belle mais pas très raisonnable.
Jours 4 et 5 : Rallye à 5000 mètres
Gravir un "6000" dès le troisième jour... Voilà qui était bien prétentieux. Cela me servira de leçon. Complètement KO, je reste toute la journée au refuge Murray. J'essaie de regagner des forces mais je sens clairement que j'ai laissé quelques plumes dans l'ascension "au forcing" de la veille.

Des prévisions météo glanées auprès d'autres expéditions me permettent de planifier la suite de mon aventure. Un consensus plaide en faveur du 26 février, journée qui semble réunir les conditions idéales pour une tentative d'ascension. Je vais me préparer dans cette optique. Nous ne sommes que le 20, j'ai donc du temps pour me reposer et parfaire mon acclimatation, sans pour autant m'épuiser.
Installation au camp Atacama
22 kilomètres me séparent du camp Atacama, situé au pied de l'Ojos. Pour moi le trajet a un parfum de Paris-Dakar, car il s'effectue en 4x4 par une piste plutôt sportive ! Rochers, rivières, dunes de sable... rien ne me sera épargné. Un guide local m'a prodigué quelques conseils : dégonfler les pneus pour augmenter la surface d'adhérence, ne jamais arrêter le véhicule, ne pas insister lorsqu'on est ensablé mais attendre de l'aide, etc.

Je me lance, pas totalement serein. Certains tronçons sont faciles, mais d'autres sont de véritables traquenards. La piste s'égare parfois dans de piégeuses pentes de sable. Le relief oblige à faire des détours hasardeux. Il faut rester bien concentré, ne pas commettre d'erreur. Car si je reste coincé ici, combien de temps devrais-je attendre pour qu'on vienne me chercher ? Certes on croise parfois des véhicules, mais il serait fâcheux qu'une mésaventure de ce genre vienne compromettre la réussite de mon expédition. Je trace prudemment ma route entre plusieurs "6000" : Barrancas Blancas, Vicuñas, El Muerto...

C'est avec soulagement que j'atteins le plateau rocailleux sur lequel est posté le camp Atacama, à 5200 mètres. Il y a un baraquement au confort sommaire, mais je préfère installer ma tente un peu plus loin. Une dizaine de candidats au sommet sont là, attendant le moment propice pour lancer l'assaut. En ce qui me concerne, c'est encore trop tôt.
Aujourd'hui le programme est le suivant : porter du matériel au camp supérieur, puis redescendre. Ce ne sont pas les journées les plus réjouissantes, mais ce laborieux travail est nécessaire. Je prends donc le large chemin qui s'élève au-dessus du campement, curieux de découvrir ce qu'il y a plus haut. Le parcours est monotone. Alors je prends mon temps, effectuant des pauses régulières. Deux heures plus tard je découvre le refuge Tejos, une boîte métallique constituée d'une pièce pour cuisiner et d'un dortoir de 6 places. A cette altitude de 5837 mètres, considérons ça comme un luxe. Après tout, peut-être s'agit-il du plus haut refuge du monde... Sachez qu'il est même possible, pour les pilotes les plus téméraires, de monter jusqu'ici en 4x4. Conduire 1000 mètres au-dessus du Mont Blanc, voilà qui est difficilement concevable pour nous Européens. Comme prévu je dépose quelques denrées puis je reviens ensuite au camp Atacama pour profiter d'un sublime coucher de soleil.
Jours 6 à 8 : Portage et patience
Tejos, 1000 mètres sous le sommet
Le lendemain, je me dis qu'une journée de repos n'est pas de trop. Je me promène donc autour du camp, je bouquine un peu, puis je décide de me socialiser en allant faire la connaissance des andinistes qui m'entourent. Parmi eux figure une mamie néo-zélandaise qui ne paie pas de mine. Il s'agit d'une certaine Lydia Bradey, dont le nom vous est sans doute inconnu. Elle fut pourtant en 1988 la première femme à gravir l'Everest sans l'aide d'oxygène. Une célébrité donc, en tout cas dans le petit milieu des alpinistes. Un Polonais, quant à lui, est venu de Copiapó en VTT pour franchir sur sa bécane la barre des 6000 mètres. Chacun son truc. Après tout cette montagne se prête bien aux records d'altitude (véhicule motorisé à 6700 mètres, plongée à 6400 mètres, et autres délires du genre). J'ai un échange très instructif avec une équipe qui a essayé, sans succès, d'atteindre le sommet la veille. Déçus, ils n'ont plus assez de temps pour refaire une tentative. Je rencontre également une équipe de 5 jeunes Chiliens qui ont à cœur de gravir "leur" point culminant. Pas acclimatés et mal équipés, je leur donne peu de chances de succès. Mais point de jugement hâtif, car la suite me donnera tort.

Le temps s'écoule et l'ennui me guette. Il est particulièrement frustrant, dans cette expédition, de devoir attendre que mon organisme multiplie ses globules rouges, alors que le sommet est juste là, me tendant les bras. L'envie d'en découdre est si forte... Mais l'alpiniste en moi observe la cime, et comme un refrain me revient l'adage "si proche, si loin" : je dois raison garder et faire preuve de patience. Ici, encore plus qu'ailleurs, il faut faire l'éloge de la lenteur.
Huitième jour. Il est désormais temps de passer à la phase finale de mon projet, l'ascension proprement dite de l'Ojos del Salado, objectif ultime de mon expédition. Je piaffe d'impatience ! La fenêtre météo est confirmée, il n'y a plus à hésiter. Je remonte donc au refuge Tejos, cette fois avec l'intégralité de mon équipement. Là-haut je passe la journée avec les sympathiques Chiliens. Demain, nous ferons équipe.
Jour 9 : Ascension de l'Ojos del Salado (6893 m)
3h, le réveil sonne, trop tôt comme toujours. J'ai peu dormi mais je me sens en pleine possession de mes moyens, prêt à jeter toutes mes forces dans la bataille. L'excitation a pour effet de gommer la fatigue. Un thé pour me réchauffer, quelques biscuits avalés, puis je m'équipe chaudement.

Dehors tous les voyants sont au vert : il ne fait pas trop froid, il n'y a pas de vent, et le ciel resplendit de milliers d'étoiles. Nous quittons le refuge, tous les 6, et nous lançons sur le tracé. Les écarts se creusent vite, et chacun progresse à son rythme. A l'avant-poste ce sont sans surprise les jumelles traileuses, Sofía et Paula, qui caracolent. Elles ont à leur actif le record de vitesse d'ascension du Plomo, sommet immanquable au-dessus de la capitale Santiago. Pourtant conscient de cette éclatante forme physique, je reste épaté par la vitesse à laquelle elles grimpent. A croire que l'altitude n'a aucun effet sur elles. Derrière viennent Simon et moi, au pas plus mesuré, volontairement plus lent. Enfin, Valeria et Vito qui ferment la marche. Le tracé remonte une large pente d'éboulis, mais dans le noir complet il est difficile de se situer sur la montagne. Alors nous avons les yeux rivés sur l'altimètre. Et à ce jeu-là, chaque mètre gagné devient une petite victoire.
Les conditions climatiques sont parfaites, mais le froid reste vif. Nous restons en mouvement pour ne pas geler sur place. Après trois heures d'effort nocturne nous avons atteint l'altitude de 6500 mètres. Vient alors le moment tant attendu : le soleil se lève enfin, dévoilant un immense panorama. En quelques instants nous gagnons de précieux degrés. Revigorés, nous évitons par la gauche un petit glacier couvert de pénitents. Les glaciers sont rares ici, surtout en versant nord. Eh oui, il faut garder à l'esprit que dans cet hémisphère les glaciers sont plutôt situés en versant sud.

Le sentier part vers la droite et traverse des névés. Je m'équipe de crampons et franchis ce passage sans aucun problème. Il y a ensuite une diagonale ascendante dont on ne voit pas le bout, en tout cas pas assez vite à mon goût. Il faut dire que nous avons tous ralentit l'allure. Comme les autres je commence à montrer des signes de fatigue, alors je puise dans mes ressources pour aller toujours plus haut. Je m'arrête un instant et serre les dents, le temps d'apaiser une violente onglée. Puis je repars en me fixant de modestes objectifs, par exemple gravir 100 mètres de dénivelé dans la demi-heure qui vient. Et je me fais fort d'y arriver. Ainsi, à force de volonté, je progresse plutôt bien et je finis par déboucher sur le bord du cratère, à environ 6700 mètres, avec une heure d'avance sur le timing global que nous avions fixé.
Le verrou dans le cratère
Je passe à gauche de ce cratère largement ouvert, pour aller à la rencontre du bastion rocheux final qui est désormais clairement visible. Puis je me faufile dans un corridor neigeux qui se redresse jusqu'à venir buter sur une cheminée. Celle-ci doit être escaladée. Rien de bien technique (III) mais à 6800 mètres tout devient compliqué. Une corde fixe a été installée pour faciliter le passage, mais on peut s'en passer. Je grimpe doucement, en prenant garde de ne pas chuter. Dix mètres plus haut je sors dans une brèche. Il ne reste plus qu'à suivre l'arête, facile, jusqu'à la cime.

Ojos del Salado, 6893 mètres ! Que dire ? La joie est essentiellement intérieure, comme souvent. Difficile d'exulter quand on est épuisé. Au fond de moi je réalise néanmoins la chance que j'ai d'être ici, au sommet de cette immense montagne. Les conditions sont parfaites, alors je reste une bonne heure là-haut. Tour à tour, chacun de nous pose le pied sur le plus haut volcan de la planète. Nous nous félicitons et savourons le panorama. Au nord la Laguna Verde, à l'ouest le trio englacé des Tres Cruces. Au sud de hauts chaînons se succèdent, ponctués par le Monte Pissis, troisième toit des Andes. Nous écrivons quelques lignes sur le carnet sommital, pour seule trace de notre venue. Les Hommes passent, les montagnes restent. J'ai une vive pensée pour mes proches, à 10 000 kilomètres de là. Sans doute seraient-ils contents de savoir que je vais bien et que j'ai réussi. Mais ne je n'ai aucun moyen de les contacter. Alors cette pensée se perd dans le lointain, vers l'infini qui s'étend sous mes yeux, cet horizon découpé de volcans à l'altitude indécente, balayés par le vent froid et sec du désert, entre Chili et Argentine.

Je dis adieu à la cime, profondément heureux. La descente est courte, deux heures environ. Une formalité me direz-vous, mais il ne faut jamais rien négliger à cette altitude. Vito fera d'ailleurs un malaise et sera aidé par ses amis, alors que je suis déjà rentré au refuge. Après les habituelles félicitations et questions des alpinistes sur place, nous descendons encore pour revenir au camp Atacama.
Sur le plus haut volcan du monde !
Mes amis chiliens quittent les lieux. Drôle de sensation d'avoir partagé un moment si fort avec des inconnus, puis se dire qu'on ne les reverra sans doute jamais. Mais qui sait, peut-être que le hasard nous réunira à nouveau sur une autre grande montagne de la planète. Espérons-le.
Jour 10 : Retour à la civilisation
A mon réveil le ciel est nuageux, pour la première fois du séjour. Il a même neigé dans la nuit. Dans cette ambiance différente, plus austère mais toujours aussi envoûtante, je plie minutieusement toutes mes affaires.

J'avais dans l'idée, s'il me restait des jours de libre, de tenter d'autres ascensions dans le secteur. Entouré d'une ribambelle de "6000", ce ne sont pas les idées qui manquent. C'est plutôt l'énergie. Et de toute manière la météo s'est nettement dégradée. Sagement, je décide donc de retourner à Copiapó, dans un long trajet vers la civilisation.

Après avoir manœuvré avec précaution mon 4x4 sur la piste chaotique, je fais une halte au refuge Murray. J'y croise deux Français qui effectuent un road-trip en Amérique du sud. Ils visent l'Ojos dans les jours à venir. Je leur donne des conseils et leur souhaite bon courage. Bonjour à eux si par hasard ils lisent ces lignes !
Je passe ensuite quelques jours à Copiapó, le temps de me réhabituer au monde "normal" : l'effervescence des rues, le bruit, la pollution, la vitre de mon 4x4 que l'on tente de briser pour me dérober mon matériel... les tracas du quotidien quoi ! Puis c'est le long retour vers l'Europe, en passant miraculeusement entre les mailles de la quarantaine mise en place pour freiner le coronavirus, qui commence à sévir sérieusement.

De cette expédition je garderai d'excellents souvenirs, des images et des couleurs plein la tête. Et déjà monte en moi la furieuse envie de retourner dans les Andes, à la découverte d'autres splendeurs de la cordillère : Bolivie, Pérou, Equateur...
TEST
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