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Passionné d'aventures en montagne depuis mon plus jeune âge, je vous propose de découvrir ce site internet dédié à mes périples en altitude. Vous y trouverez les récits, photos, et vidéos de toutes les ascensions que j'ai réalisées à ce jour dans le monde entier.

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SAJAMA (6542 m) - Versant nord
Mai 2022 - Andes, Bolivie

Le Nevado Sajama est un stratovolcan de Bolivie situé près de la frontière chilienne, dans le département d'Oruro. Il domine l'Altiplano, vaste plaine au milieu de la cordillère des Andes, du haut de ses 6542 mètres d'altitude, ce qui en fait le point culminant du pays.

Bien que couvert de neiges éternelles c'est un volcan considéré comme actif, même si sa dernière éruption date d'environ 25 000 ans. Il se trouve au sein du parc national Sajama, créé en 1945. C'est sur les pentes de ce cône isolé que pousse la forêt la plus élevée du monde, appelée Queñuas, jusqu'à 5200 mètres. Quant à la première ascension, elle eut lieu le 4 octobre 1939 par les Autrichiens Wilfrid Kühm et Josef Prem.

Le nom Sajama vient des mots aymaras "chak xaña", qui signifient "éloigné", puisqu'il s'agit, selon une légende andine, de la tête décapitée d'un héros qui alla rouler sur l'Altiplano lors d'un combat contre les Dieux.

La Bolivie, traversée par deux cordillères andines, possède de nombreuses autres montagnes remarquables, idéales pour s'acclimater : Pequeño Alpamayo (5410 m), Condoriri (5648 m), Huayna Potosí (6088 m), Parinacota (6348 m), Illimani (6438 m)...

Jour 1 : Atterrissage à La Paz, la "capitale du ciel"
Récit de l'expédition
Galerie photos

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Deux longues années de restrictions sanitaires draconiennes ne seront pas venues à bout de ma passion pour les voyages et expéditions en haute altitude. Après le Chili en 2020, puis l'Equateur en 2021, c'est maintenant en Bolivie que je pose mes valises avec d'ambitieux objectifs : gravir les plus prestigieuses montagnes du pays.
La Paz, sous le puissant Illimani
A l'aéroport de La Paz les bouteilles d'oxygène sont prêtes pour pallier tout éventuel malaise d'un voyageur. Il faut dire qu'on débarque directement à 4000 mètres d'altitude. Pour ma part tout va bien, même si je ressens un léger mal de crâne en arpentant les ruelles bondées (et escarpées !) de la plus haute capitale du monde. Je prends mes quartiers dans un hôtel du centre historique. Ce sera mon "camp de base" pour les multiples ascensions à venir.

La ville est surprenante. Non pas par ses monuments (le mirador Killi Killi, la plaza Murillo, le marché des Sorcières... n'ont rien de transcendant), mais plutôt par son emplacement. Elle est constituée de deux parties : El Alto, immense faubourg bordélique sur un plateau d'altitude, et La Paz même, blottie en contrebas dans le creux d'une vallée. Le tout au pied de la Cordillère Royale où s'élèvent de majestueux sommets enneigés. Le Huayna Potosí, très élégant, et l'Illimani, particulièrement puissant, sont tout proches et veillent sur la cité.

En soirée je m'imprègne de la vie nocturne animée, et j'emprunte le réseau de téléphériques urbains pour profiter de vues étonnantes sur cette ville à la topographie inhabituelle.
Jour 2 : Navigation sur le lac Titicaca
Tôt le matin je rencontre German, guide UIAGM diplômé qui m'accompagnera pendant la majeure partie de mon périple. Aujourd'hui nous partons à la découverte d'un lieu mythique, le lac Titicaca. Celui-ci n'est qu'à 70km au nord-ouest. Je pensais y être rapidement, mais c'était mal connaître les conditions de circulation du secteur. Ici, dans un trafic dense et chaotique, toute notion de courtoisie a disparu. Si vous ne forcez pas le passage vous restez sur place plusieurs heures. Il faut donc nous extirper d'El Alto, prendre des chemins de traverse pour éviter les routes bloquées par les manifestants, et traverser un détroit sur une barge pour enfin arriver, après 4 heures de trajet, à Copacabana. Non ce n'est pas la plage brésilienne, mais une cité portuaire située sur la rive sud du lac Titicaca.

Là nous embarquons sur un bateau et voguons dans une intensité lumineuse exceptionnelle jusqu'à l'Isla del Sol. Nous y débarquons et, prenant un peu de hauteur jusqu'au Cerro Palla Khasa (4065 m), profitons d'un panorama élargit sur ce lac aux dimensions prodigieuses, jadis berceau des Incas, aujourd'hui partagé entre Bolivie et Pérou. L'horizon est découpé de pics enneigés, comme autant de belles promesses pour les prochains jours.
Jours 3 à 5 : Phase d'acclimatation au Pico Austria (5350 m), Pequeño Alpamayo (5410 m) et Condoriri (5648 m)
Place aux montagnes ! Et pour cela rien de mieux que la toute proche Cordillère Royale, garnie de cimes remarquables, idéales pour s'acclimater progressivement. Au programme : 3 jours dans le massif du Condoriri. Nous établissons notre camp près de la lagune Chiarkota, après une courte marche d'approche dans un décor fantastique. Nous devions nous reposer toute l'après-midi, mais German a déjà compris que je ne refuse jamais l'ascension d'un sommet, alors puisque le timing le permet il me propose d'enchaîner illico avec le programme du lendemain : une montée d'acclimatation au Pico Austria, le sommet qui domine le camp. C'est parti !
La laguna Chiarkota au pied du Condoriri
L'itinéraire s'élève à flanc dans les éboulis jusqu'à un petit col. Ensuite il est très simple de gagner le sommet du Pico Austria (5350 m). Là-haut le panorama est sensationnel. Trois éléments retiennent mon attention : le Huayna Potosí dont la face ouest en impose, le lac Titicaca qui scintille à l'horizon, et surtout le Condoriri, seigneur incontestable des lieux. A vrai dire, il est rare qu'un sommet soit à la fois le plus haut et le plus beau d'un massif. C'est le cas de cette montagne à la silhouette symbolique, puisque avec un peu d'imagination on peut y distinguer un condor déployant ses ailes.

La nuit est rude. Mal au crâne à cause de l'altitude, et l'estomac en vrac à cause d'un aliment mal digéré. Bref, je ne parviens pas à fermer l'œil. Quand le réveil sonne à 1h du matin je suis souffrant et guère optimiste quant à mes chances d'atteindre le Pequeño Alpamayo. Je me lève quand même, malgré mes doutes.

Comme par enchantement, alors que nous marchons en direction du glacier, mes symptômes disparaissent et nous montons à pas mesurés jusqu'au Pico Tarija (5320 m). Il faut traverser ce pic, désescalader des rochers faciles, pour ensuite parcourir la splendide arête de neige conduisant au Pequeño Alpamayo (5410 m). Ce parcours, parfois raide, toujours exposé, est d'un grand esthétisme. Nous émergeons au sommet au lever du soleil. Un beau premier succès !
Nous ne pouvions raisonnablement pas quitter le massif sans en gravir le point culminant, la fameuse "tête du condor" ! Toutefois nous constatons dès l'entame que le bougre se défend âprement. L'approche est complexe, et je suis bien content d'être guidé par German qui connaît cette montagne comme sa poche. Le tracé remonte discrétement une moraine puis une délicate pente d'éboulis instables. Un astucieux couloir, difficile à repérer en pleine nuit, évite les parois et nous ouvre la voie du glacier supérieur. L'altitude est ensuite facilement gagnée jusqu'au pied du grand bastion final. Là encore je suis surpris par la difficulté : il faut gravir un couloir de neige très encaissé qui se redresse jusqu'à devenir une goulotte de glace verticale. Certes je suis équipé de 2 piolets-traction dédiés à la "cascade", mais je dois avouer que je ne suis guère habitué à ce type d'effort. Alors je force le passage, compensant par ma hargne mon manque cruel de technique. Une fois sur l'arête je reprends haleine. Mais ce n'est pas terminé et il faut rester concentré. En effet le fil de neige est étroit et interdit le moindre faux-pas. Doucement, en prenant bien soin d'assurer notre partenaire, nous touchons la cime du Condoriri (5648 m). C'est pour moi une mémorable réussite, sur une montagne mythique qui n'ouvre sa porte qu'aux alpinistes confirmés.
Jours 6 et 7 : Confirmation au Huayna Potosí (6088 m)
Le bon sens physiologique veut que nous allions un peu plus haut. Alors direction le Huayna Potosí, le joli sommet enneigé situé tout près de La Paz. Sur la piste menant au Paso Zongo je découvre le cimetière Milluni, où reposent des dizaines de mineurs. Pour la petite histoire : en 1965 ces derniers protestèrent à propos de leurs conditions de travail. Le gouvernement de l'époque ne fit pas dans la dentelle et régla le "problème" à coup de mitraillette. Depuis, et pour l'éternité, les tombes de ces mineurs font face à l'une des plus élégantes montagnes du pays : le Huayna Potosí. En contrebas, une lagune teintée de rouge évoque symboliquement le sang versé lors de l'impitoyable répression de cette rébellion. Comment autant de beauté et de tristesse peuvent se dégager du même endroit ?
Sur l'arête finale du Huayna Potosí
Deux heures suffisent pour monter tranquillement au refuge du Huayna Potosí, où nous rejoignons une colonie d'alpinistes. La montagne est très fréquentée, c'est en quelque sorte le "Mont Blanc bolivien". Sa proximité avec la capitale, sa relative facilité technique, le fait de dépasser légèrement la barre des "6000"... font de son ascension la grande classique du pays. Les candidats au sommet, parfois sans aucune expérience, sont donc nombreux.

Nuit blanche. Dans la promiscuité du dortoir, sur une couchette inconfortable, je ne trouve pas le sommeil. Quand retentit le réveil c'est dur, une fois encore : avaler un thé, enfiler le baudrier, sortir dans le froid glacial... Il faut être un véritable passionné pour s'infliger autant de souffrances.

Nous grimpons une demi-heure dans les rochers pour atteindre le glacier. Une fois crampons aux pieds, il suffit de suivre l'autoroute et le défilé des frontales. Dans l'obscurité la progression est longue et sans intérêt, ce qui rajoute à mon état de torpeur. Vers 5700 mètres un mur de neige rompt quand même la monotonie du parcours. Plus haut nous louvoyons entre de larges crevasses pour accéder au trapèze final. Congelés, nous nous abritons du vent quelques minutes sous un rocher pour attendre le lever de soleil. Puis, lorsque l'horizon s'éclaircit enfin au-delà des brumes de l'Amazonie, nous jetons nos dernières forces dans la bataille.
Les dorures de l'aurore nous enveloppent lorsque nous terminons l'ascension du Huayna Potosí (6088 m). Fatigue et bonheur s'entremêlent, comme d'habitude ! J'admire le panorama somptueux sur la Cordillère Royale, et je savoure le fait de terminer ma première semaine d'aventure à plus de 6000 mètres d'altitude. Ce ne fut pas de tout repos, mais je suis dans de bonnes dispositions et cela est de bon augure pour la suite.
Jours 9 et 10 : "All-in" à l'Illimani (6438 m), le géant de la Cordillère Royale
Après une journée complète de repos nous prenons la direction du sud-est. L'occasion d'explorer au passage la Valle de la Luna, un paysage lunaire jonché de fragiles obélisques d'argile. Dans notre viseur l'objectif est majeur : gravir l'Illimani, ce monstre de glace bien visible depuis la capitale. Pas une mince affaire vu d'ici. La montagne est proche mais la route est longue : 4 heures environ pour arriver à Pinaya, un petit village isolé en versant sud. Là nous rencontrons quelques habitants et remplissons les formalités administratives pour être autorisés à aller plus haut. La voiture grimpe jusqu'au camp de base, une grande prairie à 4500 mètres d'altitude. Nous profitons d'une belle soirée avec le soleil qui se couche derrière l'Altiplano. Dans un ultime coup de projecteur il éclaire les puissants contreforts de l'Illimani, ce qui donne encore un peu plus de relief à cet inextricable enchevêtrement de parois et de séracs.

En dînant nous discutons de la meilleure stratégie à adopter. Compte tenu de notre forme olympique, German propose de gravir la montagne d'une traite. Pas de porteur, pas de camp d'altitude. Au diable la lourde logistique d'expédition. Allons-y pour du "light and fast" !
Au sommet de l'Illimani !
1h du matin, début de la marche d'approche. L'itinéraire file vers la droite dans des pâturages, dépasse plusieurs torrents et moraines, puis grimpe jusqu'à un col à 5000 mètres. Ici débute le long parcours de l'arête sud. Le terrain rocailleux n'est pas des plus plaisants mais on gagne vite de la hauteur. Au camp supérieur, à environ 5500 mètres, nous sortons crampons et piolets. La progression se poursuit alors sur une arête de neige qui n'oppose aucune difficulté. Là encore il faut être solide mentalement, pour une débauche d'énergie continue, dans un froid polaire et le noir complet. Je consulte régulièrement ma montre, pour connaître notre altitude, et surtout pour savoir quand le soleil fera sa divine apparition.

Nous sortons d'un passage plus relevé et débouchons sur le champ de glace final. J'en bave un peu à cette hauteur. J'ai besoin d'un second souffle mais il ne vient pas, alors je continue de monter en serrant les dents. J'aurais bien fait des pauses, mais la corde qui m'unit à German m'oblige a suivre le rythme. Le moral revient sur la somptueuse arête sommitale. Les souffrances nocturnes sont reléguées au rang des souvenirs, et me voilà désormais en pleine lumière, à toucher le ciel, sur le fil de glace merveilleux menant au sommet de l'Illimani (6438 m). Mon bonheur est immense. Je suis sur le point culminant de la Cordillère Royale ! Une victoire supplémentaire, douloureusement arrachée il faut l'avouer, dans mon expédition ! Une très longue descente, puis un interminable retour en voiture, nous ramènent à La Paz vers 22h.
Jours 12 et 13 : Consécration au Sajama (6542 m), toit de la Bolivie !
Il existe d'autres beaux sommets dans la Cordillère Royale (Ancohuma, Illampu, Chachacomani...), mais je l'ai copieusement explorée et tous les objectifs que je m'y étais fixé sont atteints. Désormais je me tourne vers le sud du pays. Et le sud, c'est l'Altiplano ! Un haut plateau sur lequel sont disséminés de grands volcans enneigés. Mon regard se porte en particulier sur le plus remarquable d'entre eux : le Sajama, point culminant de la Bolivie, et objectif principal de mon expédition.

Alors que nous roulons au milieu des vastes étendues désertiques, où sont encore debout les cahutes millénaires des Incas, un gigantesque dôme de glace surgit. C'est le Sajama bien sûr, chef d’œuvre de la nature, planté aux abords de la frontière chilienne. Nous contournons la montagne et rejoignons côté ouest le minuscule village qui porte le même nom. C'est l'un des endroits les plus charmants que j'ai visité. Je vagabonde au milieu des maisons de pierre, écrasées de soleil et balayées de poussière. Aux alentours se trouvent des élevages de lamas, principale ressource économique des locaux. Un décor de far-west, à 4200 mètres d'altitude, dans lequel les êtres humains sont rarissimes. Comment les habitants font pour vivre ici, au milieu de nulle part ? Au-dessus du village s'élève l'étincelant volcan éponyme, mais aussi d'autres célébrités brossées par le vent telles que le duo Parinacota-Pomerape ou encore l'Acotango.
L'approche grandiose du Sajama
Nous débusquons, non sans mal, le porteur local. Ou plutôt le muletier, puisque c'est cette brave bête qui va se charger d'emmener tout notre équipement vers le camp de base. La marche d'approche est magnifique : nous remontons tranquillement un vallon décoré de queñuas (la plus haute forêt du monde) avec le Sajama en toile de fond, jusqu'à arriver au camp. Celui-ci est placé à l'entrée d'un plateau désertique, à 4850 mètres d'altitude. Nous installons nos tentes et allons à la recherche du peu d'eau dont nous avons besoin pour nous abreuver et cuisiner. En soirée l'éclairage est somptueux sur ce versant impressionnant du Sajama.

La stratégie "one shot" ayant porté ses fruits à l'Illimani, nous décidons de l'appliquer à nouveau. Elle est certes à double tranchant : notre journée est épuisante, mais nous la débutons avec davantage d'énergie... Départ à 1h pour une énième montée dans la pénombre. La voie va chercher à gauche l'arête nord-ouest. Celle-ci se remonte facilement, tout d'abord par un grand flanc d'éboulis, puis par des pentes de neige. Nous dépassons le camp d'altitude situé à 5680 mètres, bien contents de n'avoir pas eu à porter jusqu'ici notre lourd matériel de bivouac.

Un peu plus haut, à 6000 mètres, se trouve le passage technique. Un raidillon en neige dure (50° environ) suivi d'une arête mixte exposée. Rien de difficile mais pas le droit à l'erreur. Heureusement, à cette époque de l'année, les conditions sont favorables et nos crampons mordent parfaitement la neige.
Reste alors à gravir la grande calotte de glace. Ce n'est pas une mince affaire puisqu'elle fait 500 mètres de haut, ce qui n'est pas rien à cette altitude, et qu'elle est couverte de pénitents, ces lames de glace formées par le vent. Progresser dans ce terrain sculpté c'est beau, mais c'est aussi très pénible car aucun endroit ne semble propice à la pose du pied. Nous y allons donc lentement, gagnant mètres après mètres, et finissons par atteindre au mental la cime du Sajama (6542 m), toit de la Bolivie !

Je ressens une immense fierté à me tenir ici, sur cette montagne magnifique. Pour l'anecdote : le sommet est si large et plat qu'en 2001 un match de football se déroula ici, opposant des guides boliviens. C'était une manière symbolique de contester la décision des instances de football sud-américaines, qui voulaient interdire les rencontres internationales à La Paz, à cause de l'altitude. J'ignore qui remporta la rencontre, mais je sais que les Boliviens finirent par avoir gain de cause !
Jours 14 à 16 : Grand chelem au Parinacota (6348 m), au Pomerape (6282 m) et à l'Acotango (6052 m)
Lors d'une expédition en haute montagne le répit est parfois de courte durée. J'en fais une fois de plus l'amère expérience puisque, quelques heures seulement après être redescendus du Sajama, nous repartons vers d'autres cimes. Avec, une fois n'est pas coutume, de grandes aspirations : gravir les 3 "6000" situés sur la frontière chilienne.

Honneur au plus haut et plus beau d'entre eux : le Parinacota. En 4x4 nous montons jusqu'au refuge situé à 5100 mètres. Le vent souffle très violemment mais German reste optimiste sur nos chances de réussite. Emmitouflés dans nos doudounes nous nous mettons donc en chemin dans la nuit noire. Le sol volcanique est particulièrement meuble, ce qui complique un peu plus la progression. Le soleil se lève alors que nous entrons sur le glacier. Le décor est superbe mais le vent ne faiblit pas. Les rafales menacent de nous projeter au sol. Mais il en faudrait plus pour nous arrêter. Nous remontons tout le glacier, défiant à chaque instant les éléments, jusqu'au grand cratère marquant le sommet du Parinacota (6348 m). Quelques photos en guise de souvenir, et nous faisons vite demi-tour car nos doigts gèlent !
Aube glaciale sur l'Acotango
Le lendemain, après une nuit houleuse dans le refuge (le vent n'a cessé de hurler, manquant même de soulever le toit), nous attaquons le sommet jumeau : le Pomerape. Celui-ci, moins haut, moins beau, moins facile, et donc bien moins gravi que son voisin, peut s'atteindre par l'arête sud-est. En tout cas c'est ce que les topos laissent entendre. Ce qu'ils ne précisent pas, ou mal, c'est que le final impose quelques acrobaties. En effet l'arête se redresse nettement, nous obligeant à contourner l'obstacle dans des pentes de neige très raides (un bon 60°). Le vide se creuse sous nos pieds et c'est avec soulagement que German et moi franchissons un passage en mixte pour sortir sur le plateau sommital. Le point culminant du Pomerape (6282 m), à quelques encablures, est vite gagné. Se pose alors la question du retour. Il serait périlleux de revenir sur nos pas compte tenu des difficultés techniques. Nous optons donc pour une descente par la voie normale de l'arête est, même si cela nous contraint à un long détour.

Enfin, sans s'être vraiment reposés, nous enchaînons le lendemain avec l'ascension de l'Acotango (6052 m). Une course plus abordable : facile sur le plan technique, et rapide puisqu'en profitant d'un accès minier on peut monter en 4x4 jusqu'à 5300 mètres. Nous "plions" donc l'affaire dans la matinée, sans toutefois être épargnés par les éléments. En effet le froid est terrible et, conjugué au vent violent, nous gelons littéralement sur l'arête finale. Nous ne nous accordons donc que très peu de temps pour jouir du paysage. C'est dommage car à l'aube les couleurs sont extraordinaires. Mais quel supplice que de devoir enlever ses gants pour prendre un cliché !
Jour 17 : Balade au Chacaltaya (5435 m)
Nous sommes de retour à La Paz après un enchaînement comme on en voit rarement : 4 sommets de 6000 mètres en seulement 4 jours ! Je remercie chaleureusement German qui m'a guidé dans toutes ces épreuves, faisant preuve d'un grand professionnalisme du début à la fin. Pour ma part je suis complètement cuit, mais lui a l'air d'en avoir encore sous le pied. Il repart d'ailleurs à l'Illimani dans 2 jours avec un autre client. Une vraie force de la nature !

Il me reste quelques jours en Bolivie et je souhaite découvrir d'autres facettes du pays. Pour cela je sollicite une agence locale, Jiwaki, dont le bureau est situé dans la rue Sagarnaga. Un responsable accepte de m'accompagner dans l'après-midi sur les hauteurs de la ville. Plus exactement au Chacaltaya, une montagne modeste sur laquelle se trouvait jadis la plus haute station de ski du monde. Malheureusement le réchauffement climatique a fait sa triste œuvre et le glacier a entièrement disparu, privant les Boliviens des plaisirs de la glisse. Aujourd'hui il ne reste pas grand chose de ce lieu singulier : un refuge abandonné et des équipements rouillés. On peut toutefois parcourir en quelques minutes la crête et accéder au sommet du Chacaltaya (5435 m). L'ascension est des plus banales mais le panorama en vaut la peine : un 360° et je redécouvre les montagnes qui me sont désormais familières : Condoriri, Huayna Potosí, Illimani, ainsi qu'un triangle blanchâtre dans le lointain Altiplano : c'est le Sajama !
Jour 18 : La "Route de la Mort" en VTT !
Un peu d'adrénaline aujourd'hui avec la descente en VTT de la tristement célèbre "Route de la Mort". Une activité rigoureusement encadrée, puisque ce parcours ne s'improvise pas. Il démarre des hauteurs andines pour se terminer dans l'Amazonie ! Soit 67 kilomètres, 3600 mètres de dénivelé négatif, et le plein de sensations fortes !

On peut justifier la macabre réputation de la route des Yungas (de son vrai nom) par cette statistique à peine croyable : pendant des décennies il y eut en moyenne, chaque année, 400 personnes qui basculaient dans le vide, sur cette piste étroite, bordée d'immenses abîmes, où se croisaient maladroitement camions et bus bondés. Heureusement le trafic a récemment été détourné.

Le premier tronçon est bitumé, ce qui limite les chutes, même s'il faut se méfier de la circulation car les conducteurs boliviens roulent à tombeau ouvert. La suite est plus mouvementée : une piste tortueuse, aux épingles serrées et sans grande visibilité. On nous préconise de rouler côté montagne et non côté précipice. Merci pour ce conseil avisé ! Des pauses régulières nous permettent de profiter du paysage. A mesure que l'on descend la température augmente, et c'est dans une jungle humide que nous terminons notre course, près de la ville de Coroico.
Au départ de la "Route de la Mort"
Jours 19 et 20 : Salar d'Uyuni et lagunes du Sud Lipez
Incontournable et fascinant. Voilà comment l'on pourrait définir le salar d'Uyuni, le plus vaste désert de sel au monde, situé au cœur de l'Altiplano. 10 000 km² d'un blanc éclatant. On est là sur l'épicentre touristique de Bolivie. Alors oui c'est un "tour" guidé, minuté avec un timing serré, car le business est juteux. Pas le tourisme dont j'ai l'habitude, mais ne pas s'y rendre serait fort dommage car c'est l'un des endroits les plus insolites de la planète.

Un confortable bus de nuit me conduit à Uyuni, où je suis pris en charge par l'agence. La journée débute par la découverte du cimetière de trains, en lisière de la ville. Dans l'ensemble c'est un amas de ferraille, mais il faut y voir les vestiges d'une époque révolue, celle de l'extraction de précieux minerais et de leur acheminement. Les vieilles carcasses de locomotives et de wagons composent une complainte bolivienne, en souvenir des premiers chemins de fer du pays des Cholitas, comme autant de fossiles d'une activité minière autrefois prospère. L'ambiance séduira à coup sûr les fans de Mad Max.
Crépuscule miroir sur le salar d'Uyuni
Nous poursuivons par la visite d'un musée dédié à l'exploitation du sel et à sa commercialisation. Puis nous entrons dans le salar. Halte obligatoire ("il faut prendre la photo" dixit le guide) au monument érigé lors du passage du Dakar, et à l'îlot où sont plantées les bandrilles de dizaines de pays. Il est de coutume d'inscrire son nom sur son drapeau, mais celui de la France est minuscule. Tout l'inverse de celui de la Chine qui flotte au vent, comme pour mieux asseoir sa suprématie sur le trésor enfoui sous nos pieds. En effet la Chine a signé un contrat lui garantissant l'exclusivité de l'extraction du lithium, puisqu'il s'agit de la plus grande réserve du monde.

Rendez-vous ensuite sur l'île de corail d'Incahuasi, située au beau milieu du salar. Un endroit somptueux. Nous randonnons au milieu des cactus géants jusqu'au point le plus haut, pour profiter d'une vue incroyable sur l'immensité éblouissante qui s'étend sous nos yeux. A en douter d'être sur la Terre.

Enfin, la soirée est propice à la traditionnelle séance photo. En s'amusant des perspectives tout d'abord, puis en jouissant d'un sensationnel crépuscule miroir à un endroit précis du salar, recouvert par une fine couche d'eau. Avec ce reflet parfait qui nous entoure nous avons la sensation de flotter en plein ciel ! Cela vous fera sourire mais je dois le dire : jamais un endroit plat ne m'a procuré autant d'émerveillement ! Un incroyable moment qui restera gravé longtemps dans ma mémoire. C'est du tourisme organisé, mais qu'est-ce que c'est beau !
Le lendemain nous partons explorer les lagunes pigmentées du Sud Lipez. Nous débutons par la surprenante laguna Colorada, teintée de rouge et peuplée de centaines de flamants roses. Aux premières lueurs du jour ils cherchent dans la faible profondeur du lac les algues et les crevettes qui composeront leur repas. Nous passons ensuite par le village de Tomave pour aller nous baigner dans des sources thermales. Un agréable moment de détente avant de poursuivre notre incursion dans les reliefs volcaniques sauvages du Cerro Nuevo Mundo, toujours dans une ravissante harmonie de couleurs.
Jour 21 : Epilogue
Je retrouve l'effervescence des rues de la capitale, respirant une ultime fois l'atmosphère locale. Après 3 semaines intenses je dois me résoudre à retourner à mon train-train quotidien. "Métro-boulot-dodo" comme certains disent. Je quitte la Bolivie, conquis par la diversité de ses paysages, avec le sentiment du devoir accompli : tous mes objectifs ont été atteints. Je me suis hissé au sommet des plus belles montagnes, j'ai exploré les lieux les plus emblématiques.

Les années passent et les projets ne manquent toujours pas. Le Pérou voisin recelle de somptueuses montagnes, une revanche au Denali est toujours dans un coin de ma tête, l'Océanie reste à découvrir, et mes envies d'Everest se font de plus en plus fortes...
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