BARRE DES ECRINS (4102 m) - Directe Coolidge
20-21 Juin 2009, Ecrins, France
La Barre des Ecrins est le point culminant du massif des Ecrins et le plus méridional des "4000" alpins. Elle se trouve sur la commune de Pelvoux dans la Vallouise. C'est une montagne majestueuse, remarquable à tous points de vue, qui s'élève d'un élan de glace dans le ciel du Dauphiné. La Barre des Ecrins est entourée de quatre glaciers : au nord-ouest le glacier de Bonne Pierre, au nord-est le glacier Blanc, au sud-ouest le glacier du Vallon de la Pilatte et enfin au sud-est le glacier Noir. La voie normale traverse le sanctuaire immaculé du glacier Blanc et remonte les pentes du versant nord. La face sud, rocheuse et sauvage, offre 1100 mètres de grandes voies d'escalade. Voilà donc une montagne équilibrée, à l'architecture unique et superbe, qui prend sa plus grande valeur esthétique au lever du soleil quand elle se teinte de rouge.

Longtemps cette fabuleuse montagne s'est vue voler la vedette par le Mont Pelvoux, pourtant moins élevé, mais bien visible depuis la vallée. La Barre des Écrins, située aux confins de l'Oisans et du Briançonnais, n'a en fait été découverte par les géographes que tardivement, au 19ème siècle, alors qu'elle était pourtant le point culminant de la France (la Savoie étant un duché indépendant avant 1860). Les Anglais A. W Moore, Horace Walker et Edward Whymper, guidés par le chamoniard Michel Croz et le suisse Christian Almer, en firent la première ascension en 1864. William Auguste Coolidge réalisa la première directe de la face nord en juillet 1870, en taillant 500 marches dans la glace.
Premiers rayons sur la face nord
La Barre des Ecrins, en tant que point culminant des Alpes du sud, attire beaucoup d'alpinistes. Il en résulte de nombreuses voies d'ascension.

La montagne est traditionnellement gravie depuis le Pré de Madame Carle, dans la Vallouise. Il faut dans un premier temps remonter l'intégralité du glacier Blanc. L'itinéraire est très fréquenté car il constitue aussi la voie normale du Dôme de Neige des Ecrins, un des "4000" les plus faciles des Alpes. C'est un parcours essentiellement glaciaire, qui démarre au refuge des Ecrins et qui emprunte la face nord jusqu'aux environs de la brèche Lory (3974 mètres, séparation entre les voies normales du Dôme et de la Barre), puis suit l'arête sommitale en mixte jusqu'au sommet.

On peut aussi gravir en fin de printemps la directe Coolidge, située à l'aplomb du sommet, après un franchissement parfois aléatoire de la rimaye. Selon les conditions de neige, cet itinéraire peut également être skié.

La traversée sud-nord de la Barre des Ecrins, au départ du refuge Temple Ecrins (situé du côté Oisans), fait également partie des plus beaux itinéraires classiques du massif. En été il est possible d'escalader une des voies de la vertigineuse face sud, le Pilier sud étant la plus parcourue.

Les guides de la Bérarde ont équipé le col des Ecrins de câbles, leur permettant ainsi d'emmener leurs clients vers le sommet, en rejoignant la voie normale sur le glacier Blanc. Cet itinéraire démarre à la Bérarde, côté Oisans, et remonte péniblement les moraines du vallon de Bonne Pierre (appelé ainsi par ironie semble t-il !).
Arrivée d'une cordée au Dôme des Ecrins
Quelle vue depuis le refuge !
Dur dur : à peine sorti du boulot à Alès, je récupère au passage Sylvie, ma coéquipière de cordée, à Montélimar. Puis nous effectuons le long trajet, via Grenoble, le col du Lautaret puis Briançon, pour arriver enfin au parking bondé du Pré de Madame Carle (1874 m), point de départ de cette grandissime course d'alpinisme qu'est l'ascension de la Barre des Ecrins. Il est 1h du matin et, malgré la fatigue du trajet en voiture, nous n'arrivons pas à trouver le sommeil. Tant pis pour les quelques heures de repos que nous avions prévu de nous offrir avant le grand départ. Dans notre impatience, nous décidons de partir tout de suite.

Il fait nuit noire, mais le tracé est évident et bien indiqué. Nous passons près du refuge Cézanne, et avançons vers le fond de vallée. Nous traversons un petit pierrier puis franchissons le pont qui enjambe le torrent issu du glacier Noir. Un gros sentier s'élève en face, au milieu de pentes herbeuses raides. Syl' (comme je la surnomme) avale les lacets à un rythme d'enfer, pendant que moi je m'accroche ! A cette allure nous atteignons vite le grand replat situé sous la langue terminale du glacier Blanc, vers 2300 mètres d'altitude. Plongés dans l'obscurité totale, et du fait de la structure du terrain qui est fait de vastes affleurements rocheux, nous perdons de vue le sentier. Un comble au vu de la fréquentation de cet itinéraire ! Sommes-nous à ce point incompétents ? Après de vaines recherches nous choisissons finalement de traverser le torrent. Une entreprise périlleuse compte tenu du volume d'eau sortant d'un glacier aussi gigantesque... C'est donc avec les pieds trempés que nous atteignons l'autre rive. Nous retrouvons finalement la trace plus haut, près du refuge du Glacier Blanc (2542 m), où tout le monde est encore endormi.
Certains candidats à la Barre des Ecrins choisissent de partir de ce refuge, sans doute pour éviter la cohue qui règne au refuge des Ecrins, situé 600 mètres plus haut. Mais l'itinéraire s'en trouve alors considérablement rallongé. A mon sens il est préférable de poursuivre plus loin, par des banquettes rocheuses faciles, pour prendre pied sur le glacier Blanc vers 2900 mètres. Nous décrivons alors un arc-de-cercle en suivant la rive gauche du glacier. Très vite nous apercevons le refuge des Ecrins, posté à droite sur un éperon rocheux, dominant le bassin glaciaire d'une centaine de mètres.
Il est 5h du matin. Le jour se lève à peine. Pas question de rejoindre le refuge et de s'y ennuyer toute la journée. Pour occuper le temps nous décidons donc de gravir au passage le Pic de Neige Cordier (3614 m) qui est situé juste au-dessus de nos têtes. C'est l'occasion de se mettre en jambe, et surtout d'être les spectateurs privilégiés d'un des tableaux les plus éblouissants des Alpes : le majestueux versant nord de la Barre des Ecrins frappé des premiers rayons du soleil. La haute montagne dans toute sa splendeur !

L'ascension est réalisée sans problème et nous rallions finalement le refuge en fin de matinée. Nous avons toute l'après-midi pour savourer le paysage et pour rattraper notre manque de sommeil. Le refuge des Ecrins, placé judicieusement à 3170 mètres, dispute à celui du Goûter le record de fréquentation des Alpes. Nous sommes une bonne centaine d'alpinistes à y passer la nuit.

3h. Il fait encore nuit noire et il est tombé une dizaine de centimètres de neige durant la nuit. Les nombreux candidats du jour se bousculent dans les couloirs du refuge et nous devons nous frayer un chemin tant bien que mal au milieu de tout ces alpinistes et leur matériel. Un sacré bordel ! Une fois équipées c'est dans un concert de crissements que les cordées se lancent à l'assaut. Tout commence par une descente, un peu à l'est du refuge, pour reprendre pied sur le glacier.
Lever de soleil inoubliable sur le glacier Blanc
Nous traversons tout le bassin glaciaire, en doublant bon nombre de cordées, pour arriver une heure plus tard à l'aplomb de la face nord. C'est ici que les choses sérieuses commencent. Laissant sur notre droite le col des Ecrins, nous commençons à nous élever directement dans la pente, en montant au centre par la langue de glace. Sachez qu'en allant un peu plus loin à l'ouest on peut trouver une pente moins raide, mais celle-ci est exposée aux chutes de séracs. La langue centrale est plus sûre mais elle nécessite davantage d'habileté en matière de cramponnage, notamment en fin de saison quand la pente est en glace vive.

Sylvie prend la tête. Fidèle à elle-même, elle adopte un rythme effréné. Par la force des choses, c'est-à-dire la corde qui nous unit, je suis obligé de suivre la cadence. Nous achevons de doubler les cordées et je me dis naïvement que, puisqu'il faut désormais faire la trace dans la poudreuse, ma partenaire va sans doute ralentir. Mais c'est mal connaître la bête, qui en remet plutôt une couche ! J'ai alors l'étrange sentiment de revivre nos sorties hivernales, où j'étais constamment tiré vers l'avant par son husky...
Panorama vers le secteur de la Meije
Lors d'une pause bienvenue à 3500 mètres, nous guettons l'aube qui promet d'être majestueuse. Nous ne sommes pas déçus : les cimes sortent doucement de l'ombre, puis le soleil se lève derrière la Montagne des Agneaux. Nous accueillons avec bonheur l'arrivée des premiers rayons qui viennent caresser les courbes du glacier. En quelques minutes le décor s'est embrasé. La montagne, en l'espace d'un instant, vient de nous rappeller le "pourquoi" de nos efforts. Voilà le genre de moment magique qui reste gravé à jamais dans la mémoire d'un alpiniste !

Nous poursuivons notre progression avec pour seul et unique souci le dessin d'un tracé régulier, qui chemine judicieusement, c'est-à-dire en tenant compte de la configuration des séracs et des crevasses. Limiter les risques objectifs fait partie de la palette de qualités dont fait preuve un bon alpiniste. Arrivés au milieu de la face nous appuyons un peu plus à gauche pour contourner la grande zone de séracs supérieure. Nous remontons une pente plus raide jusqu'à venir buter sur la rimaye vers 3900 mètres, juste sous la Barre des Ecrins. Cette dernière est bien entendu notre objectif principal, mais nous souhaitons dans un premier temps gravir le Dôme, que Sylvie avait déjà atteint deux ans auparavant. Dans une grande traversée horizontale nous rejoignons donc les abords de la brèche Lory puis, quelques minutes plus tard, le sommet du Dôme de Neige des Ecrins (4015 m). Un sommet qui, en tant que "4000" le plus facile des Alpes françaises, est une grande classique très fréquentée. Pourtant ce n'est tout au plus qu'une excroissance neigeuse sur l'arête sommitale du seul vrai "4000" des Ecrins : la Barre, d'un tout autre calibre.
D'ici nous avons une belle perspective sur l'arête ouest, la voie normale estivale conduisant vers le sommet. Mais nous avons opté pour une attaque plus franche : la directe Coolidge. Nous revenons donc sous la paroi nord, et emboîtons le pas à plusieurs cordées qui se sont engagées entre temps dans la voie. Les conditons sont parfaites. Les crampons mordent à merveille. A tel point qu'un deuxième piolet aurait été superflu. L'excitation monte à mesure que nous nous élevons dans la pente de neige. Cette partie finale nous occupe un long moment car nous sommes régulièrement immobilisés dans des embouteillages d'alpinistes. Il faut dire que certaines cordées ne sont pas à leur aise sur ce terrain incliné (50° sur 150 mètres). Enfin nous débouchons sur l'arête, à seulement quelques mètres du sommet de la Barre des Ecrins ! Nous avons réussi !

Un panorama époustouflant s'étend sous nos yeux. Il n'y a rien au-dessus, à des kilomètres à la ronde. Rien que du ciel bleu et du bonheur à l'état pur. A nos pieds les cimes acérées des Ecrins : la Meije, les Agneaux, les Bans, et bien sûr face à nous la formidable enfilade des faces nord du Pelvoux, du Pic Sans Nom et de l'Ailefroide. Nous voudrions savourer notre succès pendant des heures, mais au sommet les conditions ne s'y prêtent pas. A vrai dire nous sommes véritablement balayés par un vent glacial. Quel froid terrible ! En témoigne ce gant brièvement enlevé, juste le temps de prendre une photo, qui me vaut une douloureuse onglée.
Nous repartons donc sans tarder. La descente s'effectue par la vertigineuse arête occidentale. Un parcours très aérien sur lequel il nous faut redoubler de vigilance. Techniquement la progression est peu difficile (passages de II), mais l'exposition est totale, et les chutes de neige nocturnes nous compliquent la tâche. La présence de glace et les violentes rafales de vent décuplent le danger. Aucun droit à l'erreur sur ce fil où une chute serait forcément fatale. Nous avançons avec la plus grande prudence, franchissons le Pic Lory, qui n'est qu'un "4000" secondaire mais un noeud orographique important, puis descendons en direction de la brèche du même nom. Avant de l'atteindre nous repiquons directement dans la face nord, en marche arrière. Et nous voilà de retour sur le glacier.

Soulagement car les difficultés sont désormais terminées. Il ne nous reste que le long trajet de retour vers le Pré de Madame Carle, 2300 mètres plus bas. Nous effectuons la descente tranquillement car nous voulons profiter le plus longtemps possible de ce cadre incroyable, que ce soit sur le glacier Blanc bordé de remarquables sommets, ou plus bas lorsque nous avons face à nous les grandes faces nord du Pelvoux (3946 m), du Pic Sans Nom (3913 m) et de l'Ailefroide (3954 m). Trois montagnes majeures qui feront l'objet d'une prochaine visite...
Pelvoux, Pic Sans Nom, Ailefroide...
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